LYDIA TABARY                                                                                        REALISATION  pour le collège de VILLENEUVE-DE-BERG (07) - 2005

Réalisations  2005 - 2009  - 3 pagesCP_-_Realisations_2005-2009.html

Pour le collège de Villeneuve-de-Berg (07) - 2005-08 - p 3

Déplacements , création conceptuelle réalisée pour le collège de Villeneuve-de-Berg (Ardèche) - 2005


Depuis trois ans, je m’interroge sur les « espaces-temps » non immédiatement perceptibles que je cherche à représenter sous la forme de séquences qui possèdent des limites spatiales (un territoire défini) et temporelles (un début et une fin). Ces séquences, arbitrairement découpées dans le continuum du temps et de l’espace, donnent à voir simultanément, à travers la présence d’objets statiques ou de traces d’êtres animés, une continuité temporelle dans l’épaisseur du présent et une organisation de l’espace à travers les déplacements qui s’y produisent.

Les éléments du réel sont captés de diverses manières par des photographies, documents, interventions directes de personnes ou encore des observations personnelles  Ces éléments sont ensuite transposés selon un processus de schématisation qui donne une image simplifiée de la réalité observée en ne conservant d’elle que certains aspects mis en exergue. Cette retranscription symbolique exige une compréhension fine du phénomène et passe par plusieurs étapes : l’émergence d’une idée de représentation concrète de celui-ci, la recherche des moyens permettant de la visualiser, le choix d’éléments de codage, puis leur application et mise à l’épreuve.

Dans le cadre de l’opération menée à Villeneuve-de-Berg, c’est la participation des élèves et adultes présents au collège qui m’a permis de saisir les éléments du réel aptes à alimenter mon propos.

Au moment de formuler ma proposition au Conseil Général de l’Ardèche, je m’exprimai ainsi :


« Le projet pourrait s’intituler « Déplacements », ce terme pouvant être pris au sens propre comme au sens figuré.

Il s’agira en effet de rendre visible l’organisation interne d’un espace architectural (celui du Collège) et la façon dont celui-ci s’insère dans un environnement naturel et construit (son « secteur » géographique et social), à travers le repérage et la matérialisation plastique (principalement tracés et couleurs) des circulations de toutes les personnes qui fréquentent le Collège, au cours d’une seule et même journée scolaire. »


Le travail réalisé pour le collège, bien qu’il relève d’une démarche conceptuelle, est d’une grande simplicité :


L’idée de départ était de découvrir la manière dont les déplacements, au cours d’une même journée, de toutes les personnes fréquentant le collège, pouvaient révéler l’organisation des espaces interne et externe à celui-ci et l’existence de comportements individuels plus ou moins partagés. Ces déplacements matérialisés par des lignes devaient permettre d’appréhender chaque territoire (le collège, la ville et l’ensemble du secteur géographique relatif à ce collège) comme un espace-temps défini par les énergies circulantes.


La méthode adoptée était simple. Deux cent quatre vingt collégiens et adultes de l’établissement ont tracé individuellement sur les plans sommaires qui leur avait été distribués, leurs propres déplacements au cours de la journée du 19 mars 2005, au sein du collège et entre leur domicile et celui-ci, (avec l’ensemble des aller-retour entre les deux lieux, selon l’emploi du temps et les habitudes de chacun).

Tous ont travaillé sur le plan du collège mais pour les extérieurs, les 76 personnes habitant à Villeneuve-de-Berg et les 204 autres vivant à l’extérieur, ont travaillé sur des plans distincts : plan avec rues et maisons pour la ville ; plan avec routes, villes et villages, pour le secteur périphérique.

Tous ces déplacements des participants ont été re-dessinés manuellement sur la tablette graphique en attribuant des couleurs et des épaisseurs de traits différentes selon le sexe, la classe ou l’équipe de travail (pour les adultes). Les trajets des automobiles et ceux des cars ont également été représentés, mais sans éliminer les tracés individuels.


Les croquis intitulés « Repères » permettent de voir la palette de couleurs utilisée et de mieux comprendre la démarche adoptée : on peut notamment observer la présence des trois plans qui ont servi de repère aux tracés originaux et à leur report, mais qui ont disparu ensuite pour ne conserver que les lignes de couleurs.


Afin que les traits ne se recouvrent pas totalement, j’ai employé des calques et joué sur les transparences, ce qui donne une certaine profondeur aux travaux.


Trois œuvres plastiques originales et une autre vision de la vie quotidienne au collège.


Les trois œuvres créées n’étant pas destinées à rester définitivement au sein du collège, elles ont été tirées sur papier contrecollé sur aluminium et pelliculé. Chacune mesure 120 x 120 cm. Avec un autre budget et une autre destination, elles auraient pu être réalisées sur d’autres supports et notamment sur verre (peinture, gravure  ou sérigraphie).


L’une représente l’ensemble du bassin de population avec les déplacements, entre le collège et leur domicile, de toutes les personnes habitant en dehors de Villeneuve-de-Berg. La seconde représente Villeneuve-de-Berg, avec les déplacements, entre le collège et leur domicile, de toutes les personnes habitant dans cette ville ou à proximité immédiate. La troisième représente le collège avec les déplacements à l’intérieur du collège, de toutes les personnes qui ont accepté de participer à ce travail,


Ces trois œuvres révèlent par ailleurs de façon très pertinente, à travers la figuration du parcours de chacun, certains comportements collectifs inattendus. À titre d’exemples, je citerai :

- La présence presque exclusive, sur les espaces verts interdits aux élèves, de garçons de 4ème et 3ème .

- La fréquentation démesurée le matin, du secteur administratif où les élèves n’ont rien d’autre à faire que de consulter le panneau signalant les enseignants absents.

- Une fréquence plus élevée des passages aux toilettes (où elles se rendent volontiers pour se recoiffer) et à l’infirmerie, chez les filles.

- Des incursions dans les dortoirs en pleine journée, pour y récupérer un travail ou un bouquin oublié (internes).

- Un voiturage plus important le matin que le soir des enfants de Villeneuve-de-Berg (parents qui les accompagnent avant d’aller au travail, mais dont les horaires ne leur permettent pas de  les récupérer le soir).

Et bien d’autres choses encore.


Ainsi, bien que conceptuels et abstraits, ces travaux demeurent accessibles et informatifs. Mais leur plus grande qualité, outre une plasticité étonnante, est qu’ils sont aptes à rendre compte du lien d’ordinaire peu perceptible entre l’organisation d’un établissement à vocation éducative et celle de la vie quotidienne des personnes qui le fréquentent. Les collégiens ne s’y sont pas trompés, qui cherchaient leurs propres traces dans les lignes colorées : le collège, c’était eux.


Mai 2005, Lydia Tabary

Autres dessins  de la série “déplacements”  2004 - 2005Oeuv_num_graph_abstraites_2004_-_05.html