LYDIA TABARY                                                                                                                                                TEXTES LIES A UNE PERIODE

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Le dessin numérique comme trace du quotidien fugitif


Le dessin numérique, tel que je le pratique, se distingue du dessin traditionnel par la profusion de détails et la présence d’aplats de couleurs animant l’espace de lumières et d’ombres sans jamais esquisser un volume ou une profondeur. Il est toujours fondé sur un travail photographique préalable de longue durée (reportage ou saisie répétitive de situations ou lieux relatifs à un sujet donné).

Le sujet étant prédéterminé, le travail passe par l’épinglage d’atmosphères en vue d’une reconstruction par la ligne et la couleur, d’une perception fugitive et émotionnelle déjà marquée par une manière de voir et de penser l’environnement.


Mes recherches portent sur la cohérence des désordres apparents, sans aucune intention de restituer le réel, ni de raconter une histoire. Aucune narration dans ces dessins, mais la captation d’organisations aléatoires et la trace de leur reconnaissance par l’œil et la pensée, dans un espace-temps donné.


Paysages du quotidien 

Le quotidien s’exprime par une multitude de détails. Il se construit et se renouvelle, par morceaux, bribes, petits riens qui s’ignorent ou importent, s‘ajoutent, s’amoncellent ou s’isolent. Il est perçu, par des regards qui se perdent, se figent ou parcourent les espaces. Il est plein de bazars en tout genre, que l’œil reconnaît, déconstruit, invente. Certains lieux sont plus aptes et certains moments plus propices, pour réunir tous ces mouvements, ces énergies, rassembler toutes ces contradictions, toutes ces couleurs qui s’entrechoquent, toutes ces lignes qui s’entrecroisent.


Dans les séries « bazars intérieurs » et « sens dessus dessous », les objets existent dans un espace-temps particulier. Ils cohabitent sans faire de bruit, sans appeler aucun jugement. Ils révèlent des états, des atmosphères, des lumières et leur multitude rassemblée est indice. Indice architectural, géographique, paysager, social, économique, historique, culturel, matériel. Indice de  goût, de  choix, de  vétusté, de  nouveauté. Indice  du  temps présent qui se pose ou passe, comme de tous les oublis, absences, relégations qui le marquent.

Seuls figurent des choses, des objets, des matériaux, des vides et des pleins. Pas âme qui vive dans ces espaces-là, mais une activité en creux, une essence humaine révélée par la seule présence des objets. Les choses sont toujours en « transit » et éphémères. Elles donnent néanmoins à voir une « organisation » et recomposent des paysages intimes, réceptacles de nos projections.


Dans les foules (série nommée « en pâture »), l’identité individuelle se perd au profit d’une identité collective «magmatique », qui met l’accent sur l’identité du même et de l’autre dans un espace - temps commun et ciblé.

Le troupeau est là, bigarré mais figé dans sa mouvance. L’activité fébrile de la multitude, annule l’essence des êtres animés qui composent et recomposent, à l’infini, avec la convergence et la cristallisation en eux, de tous les « ayant été », le même tableau, toujours différent et identique à la fois. Ils se donnent « en pâture », au regard qui les amalgame et en fait un tout indifférencié.

La vie est ici perçue comme apparence, où diversité et uniformité se rejoignent, tout comme l’instant, sans cesse renouvelé, se confond avec le temps.


2004 - Lydia Tabary

œuvres numériques graphiques figuratives 2003-2004 Oeuv_num_graph_figuratives_2003_-_04.html

Le dessin numérique comme trace du quotidien fugitif - 2004